Les coiffeurs manifestent contre les salons illégaux !
A l'appel de l'Unec, les coiffeurs ont manifesté pour la première fois depuis 10 ans. Une mobilisation significative, une question de survie.
Ce lundi 30 juin, le début de canicule, à Paris, n’aura pas empêché les coiffeurs de battre le pavé, à l’appel de l’Unec et de son président Christophe Doré. Place de la Bastille, vers 14h, ils étaient près de 400 à entamer une manifestation prévue depuis un mois (voir ici), et centralisée, volontairement, dans la capitale. Un rassemblement qui peut paraître « léger », mais qui en réalité est hautement significatif, et véritablement historique, pour une profession qui ne fait jamais entendre sa colère et qui, le plus souvent, se déchire au lieu de s’unir.
Une mobilisation significative, et historique
« Je suis content, affirme ainsi Christophe Doré, le lendemain matin. Même si la mobilisation n’a pas été massive, nous avons fait bouger quelques coiffeurs. C’était un pari ! Et nous avons eu beaucoup de presse : tous les médias nationaux étaient là (TF1, France 2, M6, BFM, RTL…), on a eu beaucoup de presse locale et régionale… C’est le début de quelque chose. L’Unec souhaite faire avancer les choses. Maintenant, il faut que les services de l’Etat nous entendent. Aujourd’hui, nous avons montré notre mécontentement, mais il faut réfléchir à la suite. Cela ne doit pas être un coup d’épée dans l’eau. »
Le mot d’ordre principal ? Dire « Non à la concurrence déloyale ». La baisse des charges est aussi une revendication de la profession, depuis longtemps, mais elle aura sans doute peu de chance d’être entendue sous ce gouvernement. C’est donc véritablement sur la concurrence déloyale, et l’explosion des établissements de coiffure illégaux, que l’Unec souhaite concentrer son message. Depuis juillet 2023, en effet, l’application d’une directive européenne a fait sauter le dernier verrou « officiel » de la réglementation française, qui datait de 1946 : l’obligation de détenir un BP pour pouvoir ouvrir un salon.
Certes, cette contrainte était largement contournée par les salons (via la location de BP), mais on s’efforçait au moins d’avoir un titulaire du diplôme dans l’équipe. Certes, les coiffeurs à domicile n’étaient pas soumis à cette contrainte. Mais ils étaient minoritaires. Certes, en 2008, la création du statut de l’auto-entrepreneur (un statut initialement considéré comme temporaire) a fait exploser le nombre de free lance, et leur a permis d’être exonérés de la TVA (jusqu’à un certain plafond de chiffre d’affaires), en plus de n'avoir aucune obligation en termes de BP. Depuis 2008, ce statut a de fait explosé dans la coiffure, pour les coiffeurs free lance ou à domicile (aujourd’hui plus d’un quart des établissements coiffure), ou même pour certains salariés de salons…
Une déréglementation inéluctable
Si la suppression officielle de toute obligation de diplôme pour ouvrir un salon était sans doute programmée (c’était une exception française), cette suppression avait été assortie d’une promesse du gouvernement d’intensifier les contrôles des établissements créés. Cette promesse n’a absolument pas été tenue, et c’est presque davantage cela que le changement de réglementation, inéluctable, qui ulcère le plus l’Unec et son président. « L’Etat s’était engagé, en contrepartie de cet assouplissement de réglementation, à multiplier les contrôles, il ne l’a pas fait, martèle Christophe Doré. Nous ne demandons pas de l’argent, ni de subventions. Nous voulons juste travailler, et vivre de notre travail. Et nous voulons simplement que tous ceux qui exercent le même métier soient soumis aux mêmes règles, et aux mêmes charges. Même métier, mêmes règles ! Et d’enfoncer le clou : Si on veut maintenir un système de retraite, une sécurité sociale, tout le monde doit y contribuer. Sinon, autant qu’on arrête de payer tout de suite… »
Le développement du narco-trafic partout sur le territoire, ces dernières années, a malheureusement aggravé le problème : après les barbiers, et les salons de manucure, ce sont les salons de coiffure traditionnels qui deviennent, de plus en plus fréquemment, des couvertures pour le blanchiment d’argent. Que peuvent faire des salons, seuls, contre ce nouveau type de concurrents, non diplômés, non professionnels, et ne payant pas du tout les mêmes charges ?
Il est normal et absolument nécessaire que, pour une fois, les coiffeurs expriment leur colère, se montrent et commencent, enfin, à s'unir. Pour que les médias s’emparent de la question. Et que le grand public réalise, aussi, qu’il faut faire les bons choix, en termes de service coiffure.
Sinon, tous les efforts faits ces dernières années en faveur de la formation, les discours sur le positionnement, sur l'augmentation tout à fait légitime des prix, etc. ne serviront qu’à accentuer le fossé entre des professionnels honnêtes et des escrocs sans états d’âme.
Sauver l'artisanat... ou le laisser mourir ?
Il y a quelques années, une campagne de communication du gouvernement en faveur de l’artisanat soulignait avec fierté que ce type d’activité était « la première entreprise de France ». La coiffure étant le 2ème secteur de l’artisanat, en nombre d’employés. Mais le poids des charges et des distorsions de concurrence plombant les revenus des coiffeurs, ils peinent de plus en plus à recruter. Peut-on dire tout et son contraire, « en même temps », tout le temps ? Pourquoi essayer de (re)valoriser les artisans si on ne fait rien pour les sauver ?
La suite, très vite, sachant que Christophe Doré compte bien continuer à se battre, et à réunir dans ce mouvement aussi bien les adhérents que les non adhérents du syndicat, les indépendants que les franchises, les coiffeurs salons que les free lance, les barbiers que les coiffeurs femmes ou les coloristes… Sans utiliser le rendez-vous incontournable du MCB, à la rentrée. « Je ne souhaite pas qu’on mélange les choses : le MCB est un grand rassemblement professionnel à la fois business et festif. Je ne souhaite pas impacter de façon négative les exposants, qui dépensent de grosses sommes pour ces 3 journées. Il y a l’événement festif, et il y a nos revendications. Ce sont deux chemins. » Par ailleurs, et de façon très légitime, l’Unec étant co-organisateur du MCB, Chrisophe Doré ne veut pas donner l’impression que le syndicat instrumentalise ce grand rendez-vous à des fins politiques.
A suivre, donc, mais plutôt à partir d’octobre. Et bravo aux coiffeurs qui ont manifesté, ce 30 juin. « Les coiffeurs commencent peut-être à comprendre qu’il est temps de s’unir », souligne le président de l'Unec. La fin des querelles de chapelles, ce serait, aussi, une bonne nouvelle pour la profession.