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Je ne suis qu'un coiffeur ?

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Posté le 8 février sur Facebook par Alexandre Villain, coiffeur à la tête de trois salons à Courbevoie et Paris, le texte ci-dessous, « Vous n'êtes qu'un coiffeur », a été vu des milliers de fois, et à juste titre. Très bien écrit, et écrit avec le cœur, il m’a touchée. C’est pourquoi je le republie intégralement : si je ne suis pas coiffeuse, il confirme malheureusement un constat que je fais depuis de nombreuses années : les coiffeurs ne sont, souvent, pas considérés à leur juste valeur. Quand ils ne sont pas, plus ou moins ouvertement, méprisés, comme le reflète la réaction de la cliente évoquée dans ce post.

Le mépris, le mot est fort, mais c’est bien de cela dont il s’agit. Tous les professionnels ont dû y être confrontés au moins une fois dans leur carrière. Métier manuel, souvent pas très bien rémunéré, réel problème de valorisation (ces deux points étant liés), clichés sur les coiffeurs, méconnaissance profonde de la profession… Tout cela a progressivement conduit, depuis des décennies, les pouvoirs publics, les médias, et même les clients des salons eux-mêmes, parfois, à regarder de haut les coiffeur(se)s.

C’est bien ce constat qui m’a incitée à créer Brunette, site d’information des professionnels et de valorisation de leur beau métier. Mais tant que les syndicats, les acteurs du secteur, les coiffeur(se)s eux-mêmes ne prendront pas ce problème à bras-le-corps, rien n’évoluera vraiment. C’est ce que pense aussi Alexandre Villain qui, loin de se placer en position de victime, considère que « nous devons tous et toutes être acteur(trice)s de la valorisation de notre métier, chacun(e) à notre manière. A travers notamment :
    ⁃    une meilleure communication, et notamment de la pédagogie, ne serait-ce que vis-à-vis de notre entourage, sur la valeur de nos métiers  
    ⁃    la transmission de notre savoir-faire aux jeunes
    ⁃    la formation continue, de manière régulière, qui peut permettre une revalorisation tarifaire. Je suis persuadé que la facturation de nos prestations à leur juste valeur, pour éviter de déprécier nous-mêmes notre travail par des prix trop bas, ne ferait qu’augmenter le crédit attribué à notre métier. 

Il n'empêche : Alexandre n’a pas voulu laisser passer une petite phrase envoyée comme une gifle. Même si c'est une réaction rarissime. Et il a eu bien raison.

« VOUS N’ÊTES QU’UN COIFFEUR »

Ce mardi 8 février, j’ai fini ma journée sur cette phrase.
Une de nos clientes ne s’est pas présentée à son rendez-vous ce jour, ce n’était pas la première fois, et alors que je l’appelle très cordialement pour lui proposer de recaler ce rendez-vous, elle le prend très mal et m’explique que ses tentatives d’appel pour nous prévenir n’ont pu aboutir. Je le comprends, même si nous avons aujourd’hui de nombreux canaux de communication (mails/Facebook/ Instagram/ Google et les lignes téléphoniques de nos autres salons).
 

Mon intention n’était pas négative et la situation s’envenime au fil de la journée. Car elle ne veut d’abord pas reprendre rendez-vous, puis me rappelle pour me dire qu’elle est vexée, finit par me balancer cette phrase dans le combiné et me raccroche au nez.
Soyons honnêtes : j’ai beau être professionnel, cette phrase, je ne la digère pas, et par-dessus le marché, elle rappelle - cette fois une collaboratrice - pour finalement reprendre rendez-vous.

Je n’ai pas voulu laisser passer cette phrase, elle n’a l’air de rien comme ça cette phrase, c’est un fait, finalement : oui, je suis un coiffeur. Mais cette restriction, « QUE » un coiffeur:
en 2022, comment peut-on dire des choses pareilles ?
Y-a-t-il vraiment aujourd’hui des gens hautains et désagréables à ce point ?
Il faudrait croire alors qu’il y a des travailleurs et travailleuses de catégorie 1 et, à côté, d’autres de seconde zone - dont a priori les coiffeurs et coiffeuses si je comprends bien ?
Elle aurait pu me dire tout un tas d’autres choses, ça me serait passé au-dessus. Elle aurait même pu m’insulter : ça m’aurait peut-être un peu agacé, mais ça ne m’aurait pas touché.
 
Sauf que là, elle s’en prend avec mépris à ce métier que j’aime, que j’ai choisi, que mes parents avaient eux-mêmes aimé et choisi avant moi.
Et pour finir elle nous dit qu’elle allait... «régler ça sur internet».
Ces menaces sous-jacentes, je les condamne.

Aujourd’hui certaines personnes semblent croire que les réseaux sociaux et internet sont là pour pourrir la réputation des autres, certains semblent croire que c’est le pouvoir tout puissant pour faire et défaire des entreprises.

J’aime à croire que je suis humble, je pense que je fais bien mon travail, tout comme mes collaborateurs et collaboratrices, avec âme et passion.
Nous nous formons et tâchons de donner le meilleur de nos compétences à chacune et chacun de nos clients.
En un mot, nous sommes PRO et je suis obligé de remettre les pendules à l’heure.
Il n’y a pas de petite profession.
Il n’y a pas de sot métier.
Rien que de le sous-entendre, c’est une honte !
Sauf que là, ça n’est même plus du sous-entendu.
Alors oui, cette phrase je la prends comme une insulte, envers moi, envers toute mon équipe et de manière générale envers tous les coiffeurs et toutes les coiffeuses.
C’est également extrêmement méprisant pour tous les jeunes qui ont le souhait de faire un jour ce métier, ou qui sont peut-être déjà étudiants en coiffure.
 
Donc, non, désolé pour cette personne, mais si je ne suis qu’un coiffeur, elle en trouvera mille autres qui peut-être accepteront de la coiffer, mais ce ne sera pas chez moi.
Je dédie ce post à toute mon équipe, aux artisans et commerçants ainsi qu’à tous ceux qui aiment leur job.
Non, nous ne sommes pas « que … ».
 
Alexandre Villain, Maître artisan coiffeur, à MF Coiffure
1er vice-président à l’IFPM de Nanterre
Ambassadeur de la coiffure Ile-de-France, à l’Unec
 
 
Voir aussi la tribune de Marc Thibault sur le problème de tarification de la coiffure homme ici.
15/02/22

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