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La parole à... Marc Thibault

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Marc Thibault est un coiffeur-barbier et formateur alsacien bien connu dans la profession, notamment directeur artistique de la marque Men Stories, et ambassadeur des marques Wahl et Mizutani. Il forme environ 650 coiffeurs par an, ce qui lui donne un petit aperçu de l'évolution du secteur pour l'homme - sachant qu'il connaît aussi très bien la coiffure femme (il a eu des salons mixtes).

Il a publié le 24 avril, sur sa page Facebook, son « point de vue » concernant l’augmentation des tarifs des prestations coiffure à la reprise. Point de vue qui a suscité une grosse vague de « likes » parmi les professionnels et, peut-être, le début d’une prise de conscience. Il a parlé cash, et mis les pieds dans le plat, concernant un sujet ultra sensible : les coiffeurs ont toujours du mal à augmenter leurs tarifs. Alors que c’est une nécessité économique en temps normal, et aujourd’hui, un impératif de survie.

Depuis son lancement, Brunette relaie au maximum tout ce qui peut contribuer à (re)valoriser la coiffure et les coiffeurs : c’est sa raison d’être. J’ai donc décidé de mettre en lumière l'argumentation de Marc Thibault, juste et toujours légitime, sous la forme d’une tribune publiée intégralement. Une prise de parole absolument indispensable, qu'il s'agisse de coiffure homme ou femme. Ecoutons-le !

« Encore et toujours les questions légitimes...
Beaucoup se demandent maintenant s’il faut répercuter le coût de ces nouvelles normes d’hygiène au client final. Je vois beaucoup de choses passer sur les réseaux sociaux, jusqu’aux sondages.
Vous faut-il un sondage pour calculer vos marges ? Je ne calcule pas mes tarifs en fonction de mon voisin. Il n’a certainement pas les mêmes charges que moi.

Je traverse la France de long en large et le constat est toujours le même quand j’échange avec la plupart d’entre vous.
Pour un très grand nombre de coiffeurs, les augmentations de prix se font tous les 3, voire tous les 6 ans et ce, dans des proportions dérisoires.
Résultat : une grande partie des dirigeants de salons ne se prennent même pas un SMIC ! Souvent, même, bien moins. Combien restent ouverts par orgueil ? Eh oui, « ce salon, c’est notre bébé, après tout ! » Mais une fois tout payé - quand c’est possible, toutefois - … que reste-il ?
Je vois des salons pleins à craquer où le dirigeant survit. Improbable !

Vous ne le savez peut-être pas, mais la coiffure est l’un des secteurs de l’artisanat au taux horaire le plus bas du marché.
La cause ? Le coiffeur est avant tout un artiste. Il travaille souvent avec passion. Il est aussi un sentimental et un empathique exemplaire : « Tu te rends compte ? Si j’augmente, il ne viendra plus ! Comment va-t-il finir le mois si je lui demande trop cher ? »
Certains se reconnaissent peut-être. Si vous vous posez toutes ces questions, sans doute n’avez-vous même pas conscience de la valeur de votre travail ou peut-être ne le jugez-vous pas assez bon ? C’est probablement le moment de s’améliorer, alors.

Dites-vous une chose.
La coiffure devrait être tarifée 1,27 € la minute. Et ce, pour payer les charges et se verser un salaire plus ou moins correct.
Alors quand je vois des services homme facturés 14 €, 16 € ou 19 €…
Sauf si vous arrivez à me faire une coupe homme - JE PARLE D’UNE VÉRITABLE COUPE HOMME, HEIN ! - avec un vrai service et de vraies techniques, en 15 minutes : alors, pourquoi pas. Mais moi, j’en suis incapable.

Tout ce que vous donnez à vos clients au détriment de votre propre revenu, et même de votre survie, pour beaucoup d’entre vous, ne vous inquiétez pas, ils iront le dépenser chez Amazon, Apple et tant d’autres... Il ne s’agit pas de « voler » quiconque, mais simplement de vivre de son travail. Pas un garagiste ou chauffagiste ne travaille pour moins de 90/100 € de l’heure.
Si baisser nos tarifs au strict minimum remplissait les salons, cela se saurait. Il y aurait 20 mètres de queue devant votre porte ! Ce qui ne s’est encore jamais vu…

Ce qui vous sauvera de cette crise qui s’annonce, ce n’est pas une baisse des prix massive, parce que vous finirez par disparaître. Votre salut viendra de la qualité de votre travail. Un travail valorisé au juste prix, pour pouvoir vous en sortir. Je vous le répète : réinventez-vous, formez-vous pour être meilleur. Soyez unique et différent. C’est ça qui fera votre valeur.

Le secteur de l’homme est l’un des plus porteurs de la coiffure : régularité incroyable des visites, fidélité du client.
Alors à la question : « Devons-nous absorber le coût de ces mesures de reprise ? », je dis : NON ! N’avons-nous pas déjà assez de choses à absorber ? Pour beaucoup, c’était déjà très difficile avant, et ce sont souvent ceux-là qui veulent faire des cadeaux. A votre bon cœur !...

Les fabricants de matières premières (masques et autres) ont pour certains multiplié par 10 le prix de leur marchandise. Ne vous faites pas de souci pour eux, certains n’ont aucun scrupule.
Nous avons, nous aussi, formateurs, dû nous réinventer. Le fondu américain restera chez l’homme un incontournable et, pour nos entreprises, un boosteur de chiffre d’affaire par son côté addictif et sa fréquence. Il faudra le faire toujours mieux, plus qualitatif, et le tout évidemment en y intégrant toutes les nouvelles normes de sécurité. Et surtout au bon prix !
Ne recommençons pas les erreurs du passé… »

06/05/20

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