Paul Poiret : la mode qui libère...
S’il y a bien une expo à ne pas rater, en cette fin décembre / début janvier, c’est celle dédiée à Paul Poiret, au MAD (Paris 1er), jusqu'au 11 janvier...
Paul Poiret, c'est le couturier français qui a envoyé valser les corsets étouffants des femmes, dès 1906 (par la suite, Coco Chanel a achevé de les libérer). Installée au Musée des Arts Décoratifs (MAD), accolé au Louvre (Paris 1er), cette rétrospective inédite intitulée « Paul Poiret, la mode est une fête » clôture dans quelques semaines. Or, si l’on aime la mode, et l’histoire de la mode et de la beauté, elle est incontournable !

Georges Lepape Les choses de Paul Poiret vues par Georges Lepape, Paris, 1911 © Les Arts Décoratifs
Car Paul Poiret (1879-1944) est un pionnier, un visionnaire. Lorsqu’il lance sa propre maison de couture, en 1903, les femmes ont la taille étranglée dans des corsets depuis près d’un siècle, ce qui leur occasionne inconfort, douleurs, et comprime leurs organes vitaux, pour leur faire une silhouette anormalement fine. Il va définir, dans les années qui suivent, une nouvelle esthétique du corps féminin, en mouvement et sans carcan, rompant avec la silhouette en S en cours depuis des décennies.

Paul Poiret : Robe du soir Joséphine, 1907 ; Manteau du soir Paris, vers 1910 ; Robe du soir Mosaïque Paris, vers 1908 © Les Arts Décoratifs
« Sa ligne, simplifiée, est d’une grande modernité, explique le Musée des Arts Déco. En témoigne la robe du soir Joséphine, chef-d’œuvre de la collection ‘’Manifeste’’ de 1907, d’inspiration Directoire. Poiret utilise des tissus légers et emploie des couleurs vives et acides. » Il est inspiré par les courants artistiques du fauvisme (Matisse, Vlaminck, Dufy…) et de l’orientalisme, eux-mêmes révolutionnaires dans la peinture au début du siècle.
Des robes fluides, la taille libérée
Rejeter le corset, pour libérer le corps des femmes, arrêter de les entraver et de mettre leur santé en danger, il est l’un des premiers à le faire, avec la couturière Madeleine Vionnet. Il suit ainsi les recommandations des médecins, et accompagne aussi les jeunes femmes qui cherchent à s’émanciper… dans tous les sens du terme (les Années Folles viendront bientôt, juste après le carnage de la 1ère Guerre Mondiale, comme un exutoire). Ses robes fluides et légères, inspirées des silhouettes du Ier Empire - taille flottante, poitrine marquée, tissu mouvant - sont sa signature. Avec la délicatesse des matières, et l’audace des couleurs et des imprimés.

George Barbier — Couverture du magazine Les Modes, Avril 1912 © Les Arts Décoratifs
Après la Première Guerre mondiale, justement, Poiret retrouvera l’inspiration grâce à ses voyages et aux fêtes somptueuses qu’il organise. Il est ainsi, également, un précurseur en termes de communication et d’événementiel. L’homme est un touche-à-tout : il a une maison de couture, mais aussi une entreprise de décoration. Et il conçoit et fabrique des parfums : c’est l’un des premiers à penser «univers » et « beauté globale »… Il crée pour le cinéma des années 20. Et il influence encore les couturiers, plus d’un siècle après la création de sa marque.
Influent et visionnaire
Des créateurs comme John Galliano, Christian Dior, Christian Lacroix ou encore Yves Saint Laurent, ont ainsi, à leur tour, puisé dans l’orientalisme, le folklore, l’esprit de fête et les arts du spectacle. « À l’image de Paul Poiret, ils ont incarné le rôle de directeurs artistiques, donnant à la mode une dimension narrative et spectaculaire, précise encore le musée. Paul Poiret a été le premier couturier à faire appel à des artistes pour intervenir sur ses textiles, décors, illustrations et autres moyens de communication. Il est de ce fait le pionnier de ce que l’on appelle aujourd’hui les « collabs » ; pratique commune depuis le début des années 2000 entre les marques de mode et les artistes. »