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Franck François : le Groupe Vog orphelin

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Franck François, le président-fondateur du Groupe Vog (Vog Coiffure, Tchip, Mon Coiffeur Exclusif…) nous a quittés le 17 juin dernier, à 75 ans, « des suites d’une longue maladie », selon la formule consacrée. Et on ne doute pas une seconde qu’il s’est battu comme un lion, jusqu’au bout. C’était un chef d’entreprise visionnaire, comme on le dit souvent à son sujet, et c’est vrai, un grand bâtisseur, mais également un vrai meneur d’hommes. « Un grand monsieur », « un grand homme de la profession », « une personnalité exceptionnelle », ce sont les expressions qui sont revenues, sur mes réseaux sociaux, à l’annonce de sa disparition. Et ce n’est pas seulement l’effet automatique de la disparition, qui fait souvent « grandir » instantanément le disparu…

 

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Pour les 40 ans du groupe, avec sa fille Morgane © Mickael Flohot 

 

Non, on le savait déjà de son vivant, il était déjà immensément respecté, on connaissait sa valeur, la force de ses idées, de son franc parler, de ses engagements, de sa liberté. Et son humour. Car c’était un chef d’entreprise, certes, un grand meneur d’hommes, mais il était avant tout un homme libre et foncièrement indépendant.

Franck François était un homme simple (dans ma bouche c’est un compliment) et engagé. Il ne perdait pas de temps, il ne flattait pas, il ne brassait pas du vent. Il était dans l’action, et la passion. « Prix Spécial du jury » pour sa carrière et les 40 ans du Groupe Vog aux Choose Beauty Awards le 6 février dernier, il était apparu affaibli, plus vulnérable qu’à l’accoutumée. Il s’était montré combatif, toujours aussi passionné, et particulièrement touchant. « J’ai tout donné à ce métier, avait-il dit. Je ne suis pas très en forme, mais je donne toujours tout. Je ne vis que pour ça, et ma famille. »

J’ai tout donné à ce métier. Je ne suis pas très en forme, mais je donne toujours tout...

Ce n’était pas seulement un homme imposant, c’était une montagne d’intelligence, et de générosité. Ce soir-là, « il nous a offert une masterclass inoubliable - un moment suspendu, inspirant, comme lui seul savait le faire », comme l’a souligné Jean-Christophe Robelot, co-fondateur de l’événement, sous mon post Facebook.

Un homme engagé

Sur scène, Franck François est revenu sur sa carrière, avec ses mots à lui, si justes, si cash. « Gamin, avec mon BP coiffure, je me suis dit : ‘’C’est un métier de con. Je me tire’’. Et puis je suis rentré chez les sœurs Carita. Elles m’ont formé. Elles m’ont fait comprendre l’exigence. Elles m’ont appris à gagner de l’argent. » Mais pour ça, il faut, effectivement, tout donner. Être passionné, mais aussi avoir de la culture, la culture du beau. « Une fois par semaine, j’allais au Louvre. J’y restais deux heures », s’était-il aussi remémoré devant nous. L’influence des immenses sœurs Carita, mais aussi le coup de pied / coup de pouce de Jean-Louis David. Alors qu'il était le premier franchisé de l’enseigne, il dit à Jean-Louis David : « Je veux toutes les régions. » Et de s’esclaffer : « Il m’a mis dehors ! Merci, Jean-Louis David ! »

 

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Avec sa famille, l'autre grande passion de sa vie © D.R.

 

Ensuite, il était revenu sur ce qui a causé le déclin de la coiffure : « On en est là à cause d’un problème de formation. On n’a pas géré les hommes. Il faut des changements de comportement, entre collaborateurs, et face aux clients. Il faut y croire soi-même. Ce métier repose sur l’individu : on a besoin de fortes personnalités, de courage et d’audace. Ce n’est pas évident de se lancer : il faut avoir le courage de le faire. L’idée, et le courage. » Des paroles fortes, souvent martelées, valables pour les franchisés comme pour les indépendants, et pour tous les chefs d’entreprise, d'ailleurs, quels qu’ils soient...

Ce métier repose sur l’individu : on a besoin de fortes personnalités, de courage et d’audace.

Né à Maubeuge en 1950, Franck François a démarré sa carrière comme apprenti dans le salon des célèbres sœurs Carita. Devenu coloriste, il rencontre Jean-Louis David. Le courant passe entre les deux hommes et Franck François créé plusieurs salons à l’enseigne Jean Louis David, devenant ainsi son premier franchisé de France. Mais, ambitieux, de nature indépendante et surtout entrepreneur dans l’âme, Franck François quitte le groupe Jean-Louis David pour créer en 1979 en un concept concurrent baptisé Vog Coiffure.

Un parcours fulgurant

« Un concept qui était très novateur, avec un décor moderne, une grande vitrine, des fauteuils de metteur en scène pour les clientes et des coiffeurs en salopette de peintre », aimait-il à rappeler. Le succès est rapide avec 7 à 8 ouvertures par an. Au début des années 90, Franck François constate que les femmes vont moins souvent chez le coiffeur, crise économique oblige. Il décide alors avec son épouse d’aller à Miami étudier les salons à petits prix qu’il avait remarqués lors d’un précédent voyage.

 

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© D.R.

 

De retour des Etats-Unis, il bouscule le marché de la coiffure en lançant en 1996 Tchip Coiffure, un concept « low cost » reposant sur « des petits prix, sans rendez-vous, un forfait, pas de supplément », au coût de revient le plus bas possible, avec peu de services. La marge est assurée par le flux de clientes. Le succès est, là encore, fulgurant.

Pendant plus de 40 ans, Franck François n’a de cesse de faire évoluer ses concepts pour répondre toujours mieux aux attentes des femmes. En 2011, Vog Coiffure se positionne ainsi comme spécialiste de la coloration. Rebaptisée Vog Coiffure Color Your Life, la marque est promue par des coiffeurs et coloristes qui se distinguent par leur expertise, leur créativité et leur passion.

En 2016, Tchip Coiffure adopte le concept Miami, avec une décoration verdoyante et colorée, et un nouveau parcours client. Innovation dans les concepts mais aussi dans la communication puisqu’en 2022, Tchip Coiffure est la première enseigne de coiffure à communiquer sur des tarifs fixes pour cheveux longs et cheveux courts.

En veille constante sur les tendances économiques et les évolutions du marché de la coiffure, Franck François, secondé par son gendre Joffrey Duhamel, répond en 2022 aux attentes des coiffeurs indépendants en leur proposant le Club Exclusif, qui leur permet de bénéficier d’un accompagnement tout en conservant le nom de leur salon et le décor de leur choix, deux points auxquels les indépendants sont particulièrement attachés. Là encore, le succès est au rendez-vous.

Un groupe familial, et la passion pour moteur

Avec une passion jamais démentie et un travail acharné, Franck François a réussi à créer un groupe familial puissant et solide en développant des marques fortes, dont les valeurs sont portées par le collectif d’un réseau. Franchiseur émérite, il s’était fixé comme objectif de rendre l’entrepreneuriat accessible à tous les coiffeurs grâce à la mutualisation de moyens et à la transmission des expertises développées dans le Groupe Vog.

 

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Un homme de culture, et de transmission © D.R.

 

La formation est ainsi devenue un des piliers du groupe, notamment via un partenariat avec les écoles Terrade. Animé par de fortes valeurs humaines, la passion et un profond respect pour la profession, Franck François a bâti en plus de 40 ans avec son épouse Marie-José François un groupe qui compte aujourd’hui 500 salons en France et à l’étranger.

Son implication au sein de la profession et la formation apportée aux collaborateurs du Groupe Vog, afin de les aider à devenir des entrepreneurs, ont été salués par l’Etat en 2018 avec sa nomination par le ministre des Finances à l’Ordre de la Légion d’honneur. Bien que gravement malade, Franck François a œuvré jusqu’à ses derniers jours pour faire évoluer son groupe, satisfaire ses franchisés et dynamiser la profession de coiffeur.

Franck François a toujours œuvré pour que le Groupe Vog reste un groupe familial au sein duquel ses filles Audrey et Morgane ainsi que son épouse ont toujours été impliquées. Sa stratégie a toujours été dictée par la loyauté, la bienveillance et l’exigence. 

Nommée en juin dernier présidente du Groupe Vog, sa fille Morgane a désormais pour mission de veiller au respect de ces valeurs familiales tout en poursuivant le travail de son père, pour faire en sorte que les marques du Groupe Vog se maintiennent parmi les franchises coiffure préférées des femmes mais aussi des collaborateurs et des futurs franchisés... Vaste programme que de s'inscrire dans un tel héritage et de le faire fructifier. Franck François disparu, le Groupe Vog continuera très certainement d'innover et de cultiver ses belles valeurs. Mais c'est, tout de même, une page qui se tourne, et on n'aura plus grand monde pour nous secouer de quelques formules bien senties... et éminemment pertinentes.

20/06/25

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